Je l’attends depuis des heures, des jours, des mois,
des semaines. J’attends que son cœur vienne se poser sur la délicatesse de ma
détresse, sur le fleuve de ma conscience : j’ai peur. J’ai peur de mes
actes passés, je suis toujours aussi effrayé par moi-même mais je ne regrette
rien. J’espère simplement qu’un jour mon geste sera compris et que mes paires
ne me jugeront pas, sans même m’avoir écouté au préalable. Cela étant, les
années passent et la course du temps n’efface pas mes angoisses. J’ai peur
d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre, j’ai peur d’avoir été jeune.
Aujourd’hui, j’attends de savoir, j’attends mon
jugement tout simplement. Non pas que je craigne les hommes car je les juge
inaptes à pouvoir répondre de mon cas. Je parle d’une chose bien plus
énigmatique et problématique que la futilité d’une conscience humaine,
éprouvant le besoin vorace de vouloir à tout prix causer ma perte, je crains
l’emblématique purgatoire. Par moment, la force est en moi. Lors de ces
instants, je suis prêt à affronter tous les démons de Satan, tous les venins du
monde, toutes les créatures imaginées par les esprits les plus tortueux ;
je suis prêt à gravir des monts immaculés, ou bien encore, à retourner en
enfer : l’entrevoyant comme la résultante de mon passé et des noirs désirs
du Démon Suprême, dont je ne puis prendre conscience tant l’abîme engendrée par
son appétence doit être grandiloquente de désespoir et de terreur.
Cela étant, si telle est ma destinée, je l’accepterai
car la vie m’a appris à vouloir, à vouloir savoir et à savoir accepter. Mais,
dans la seconde qui suit cet élan viril, me reviens en tête dans un
martellement frénétique, la faiblesse de mon pouvoir et la simplicité de ce que
je suis : un être fait de chair et de sang. Dans ces moments là, j’ai
peur, peur de ne pas assurer, peur de ne savoir quoi répondre face à mes juges,
peur d’avoir les yeux bandés puis de me retrouver soudain dans la lumière. Malgré
tout, ma force doit sans doute résider en ce fait que je ne suis nullement le
premier à connaître cette audience divine, sacralisée par les hommes depuis la
nuit des temps, par conséquent, le chemin sera peut-être déjà balisé entre ce
monde et sa continuité : espérons-le...
Depuis que je suis né, mais surtout depuis que j’ai
pris conscience de la mort, un combat inachevé s’est enclenché en moi, me
paralysant à certain moments, me conduisant vers la voie de l’ultime sagesse à
d’autres instants, ma vie fut ainsi faite. Pour résumer cela en quelques mots,
je dirais que je n’aurais eu de cesse de vagabonder entre le paradis et
l’enfer, prenant parfois le temps de respirer, tout en étant contraint et forcé
de devoir avancer dans les ténèbres avec comme seuls points de repère, les
astres dont j’ai pu prendre conscience au travers de la connaissance.
Bien sûr, beaucoup referons l’histoire, me prêtant des
pensées démoniaques venues d’anciens temps. Beaucoup me clouerons au pilori
sans même connaître le fin fond de l’histoire, ainsi va l’humanité. A vrai
dire, même si j’ai pu critiquer fortement cette dite humanité qui m’a vu
naître et qui m’aura tellement déçue, il m’arrive par moment, je dis bien
par moment, de ne plus lui en vouloir.
Dans la continuité de ces propos, si j’ai parfois
nourri une haine viscérale envers l’un ou l’autre d’entre vous, je m’en excuse.
Pour autant, je ne demande aucun pardon, ce qui dû être fait, fut exécuté selon
les lois de ma personnalité et des circonstances. Certains y verront une lutte
incessante entre mon Ca, mon Moi et mon Surmoi ; d’autres commettront une
erreur fondamentale d’attribution, en me confiant une responsabilité
intrinsèque qui n’était en fait que la prolongation de l’environnement dans
lequel j’ai vécu. Cela étant, je vous laisse seul juge des conséquences de mes
actes.
Si j'en avais eu le temps, j'aurais tenté démontrer à
l’humanité toute entière la futilité de l’époque dans laquelle nous vivons. Époque où tout devient possible dans la mesure où toutes formes de réalités se
trouvent mélangées dans une sorte de liquide infâme et cela grâce au concours
de la masse média et des moyens de communications, avec en tête de mire, la
télé réalité… Que représentait mon geste en lui-même, si ce n’est la forme la
plus aboutie de télé réalité ? Un suicide en direct, le sommet de la
déchéance, le nirvana de vos attentes. Ha ! La bonne blague. Dites vous
simplement que je ne fus que la conséquence de vos souhaits les plus noirs et
de vos désirs les plus profonds. Ce qui sépare un homme sain d’un homme malade
n’est rien d’autre que l’acceptation de soi : inutile de chercher plus
loin.
Si seulement le Grand Architecte de l ’Univers
me le demandait, je me couperais la tête et les mains dans le but de m’assurer
de la perte de toutes formes de croyances idiotes symbolisées dans l’idolâtrie,
le fanatisme sous quelques formes que ce soit ou encore dans toutes les formes
d’abrutissements des masses populaires. Si seulement je le pouvais, et si
seulement cela pouvait avoir une utilité, je me saignerais à blanc pour que
l’humanité apprenne enfin de ses erreurs,
pour qu’elle évolue, pour qu’elle grandisse et pour qu’elle devienne
autre chose qu’une pute soumise aux désirs de l’argent. Bien évidemment, je
stigmatise, mais quoi de plus normal pour un être qui fut formé, classifié,
étiqueté, structuré, catégorisé puis jugé
comme étant :
« malade », « fou », « dingue »,
« débile », « perturbé », « déséquilibré »,
« déjanté » et pour finir : « insensé et inapte ».
Du haut de ma maigre
existence, du haut de mes maigres croyances, je me suis efforcé de faire preuve
de plus en plus de tolérance, et ce, au fur et à mesure que je prenais de l’âge
et que la maturité m’épaulait. Cela étant, me sentant assailli de toutes parts
par des problèmes aussi faméliques que ceux de la société occidentale, je n’ai
pu trouver le salut que dans la fuite. Tout comme vous, je ne fus rien d’autre
qu’un individu à la recherche de l’inaccessible liberté. Je revois encore Mel
Gibson, héros du film « Brave Heart », criant dans un élan
sublime : « LI-BER-TE ! », telle fut ma quête, ma voie de
rédemption vers la connaissance ultime de ce que je fus et de ce qui aura causé
ma perte : la vie, la société et la vie que la société aura sans cesse
tenté de m’imposer. Je veux simplement parler du fait de devoir toujours faire
des choix et encore des choix, de devoir toujours acheter et encore acheter et
cela dans le but d’assouvir les désirs du capitalisme de masse, problématique
parfaitement illustrée dans un film comme « Trainspotting ». Je veux
aussi parler de cette obligation ou plutôt de cette norme imposée par la
société qui nous pousse à devenir quelqu’un, à avoir une utilité sociale, à
contribuer à faire avancer la machine, mais qui jamais au grand jamais, ne nous
permettra de prendre conscience de ce que nous faisons réellement, ainsi que de
l’endroit vers lequel nous nous dirigeons : droit dans le mur :
« mange gamin, tu goûteras plus tard ! ».
Pour vous révéler le fond de
ma pensée, je suis intimement convaincu que lorsque Dieu prit la décision de
donner sa chance aux civilisations de se développer, il omit sans doute par bonté que la faiblesse fondamentale des
hommes les conduirait inexorablement à la destruction pure et simple de leur
paradis au profit d’une forme d’enfer ; telle est leur forme la plus
aboutie de remerciements. Ce n’était pourtant pas si compliqué d’arriver à la
constatation que le monde était avant tout ce que nous en faisions et que le
paradis et l’enfer étaient tous deux confondus sur le rocher bleu.
Pour solde de tout compte, si
comme moi vous éprouvez du mal à vous fier à la parole d’un simple être vivant,
même s’il vous semble cher et qu’il en sait sans doute un peu plus que
vous : rassurez-vous car je suis mort…
Baise ta vie, fais la jouir.
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